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Un certain Charles Beaumont

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(Texte déposé à la SACD, Copyright YR)

Charles Beaumont, de son vrai nom Charles Leroy Nutt, fut un romancier et scénariste (1929-1967), œuvrant dans les récits de science-fiction, policiers et fantastiques. On trouve en français, dans des éditions rares, des livres comme Là-bas et ailleurs (Présence du futur), Les Intrus (Presses de la cité), ou Plaque tournante (Presses de la cité) sous le pseudonyme de Keith Grantland. On a aussi quelques autres nouvelles éparpillées dans diverses revues comme Fiction ou des anthologies. Son nom apparaît plus souvent comme scénariste d’un bon nombre d’épisodes de la série américaine La Quatrième dimension (années 60). Et c’est bien tout. Mais à le lire, on comprend que Ray Bradbury le loue comme l’un des plus intéressants écrivains de sa génération, comparable à Richard Matheson ou Philip K. Dick.

Si Plaque tournante ne sort pas du lot des polars classiques, Les Intrus (1959) évoque la ségrégation raciale aux États-Unis. Roman intéressant et précis d’autant qu’il étudie la montée de l’intérieur, par l’intermédiaire du personnage d’Adam Cramer qui s’installe dans une petite ville américaine pour attiser la haine raciale envers les habitants contre la nouvelle loi d’intégration des étudiants noirs dans les lycées. Avec des discours, des manipulations psychologiques et l’appui du Ku Klux Klan, il parvient à ses fins et prépare la foule à commettre un lynchage. Roger Corman en fera une adaptation cinématographique en 1962.

C’est vers le seul recueil disponible, Là-bas et ailleurs, qu’il faut tourner nos regards. La première nouvelle Les yeux plus gros que le ventre est, à cet égard, remarquable. Un homme maigre et épuisé, Edward Simms, se présente devant le docteur Lenardi. Il lui révèle que son immense fatigue est due au fait qu’il ne peut s’empêcher de courir après les femmes. Un jour, dans son université, un des plus grands et des plus modernes calculateurs électroniques au monde a sorti le nom des femmes de son type. Il y en avait 563, la plupart aux États-Unis. Il a confectionné un breuvage qui suffit à faire naître un sentiment agréable envers lui, même chez les femmes au cœur glacé. Il décide d’aller conquérir celles en Europe et de revenir dans son pays. Après la Californie, il parcourt  Albuquerque, Boise, Snohomish, Portland, Oklahoma City, Chicago, Wheeling, Detroit… Sa moisson est inlassable : « Des grandes, des petites, des Méridionales, des Nordiques ; les intellectuelles à lunettes et les innocentes paysannes ; des rousses, des brunes, des blondes, toutes tombaient comme le blé sous la faux. Je laissais derrière moi un sillage de soirées inoubliables et de réputations compromises. » Sa conquête n’a rien de sensuel au point qu’elle devient mécanique : « Chaque conquête nouvelle me demandait un incroyable effort de volonté. Je me déplaçais tel un somnambule, accomplissant ma tâche comme une mécanique. »

Beaumont

Quête épuisante au point qu’il passe de 98 kilos à 57 ! Il vient donc voir le docteur, car il a besoin de retrouver des forces ! « Si je fais preuve de la plus légère… heu… mollesse dans cette affaire, tout sera fichu. Une nouvelle moisson sera prête. Et… oh, vous comprenez » ? » Sauf que le docteur s’est aperçu qu’Edward Simms a séduit sa femme et qu’il ne croit guère à toutes ses conquêtes : « En me reconnaissant, vous avez réfléchi et vous m’avez inventé cette histoire incroyable pour que je vous considère comme fou, et par conséquent, irresponsable. » À la fin, le docteur lui donne un puissant sédatif qui va le mettre KO afin que le stock de nouvelles femmes se renouvelle et qu’il poursuive son infernale et épuisante quête.

Charles Beaumont révèle son thème de prédilection, l’insatiable désir humain au point qu’il transforme son personnage en automate charnel. C’est dire que, partant d’un simple désir, l’individu ne cesse de vouloir le combler au point d’y perdre son identité propre. Là est l’absurde dans cette volonté délirante de conquérir toutes les femmes correspondant à son désir (sans en choisir une) et de parvenir totalement laminé à l’arrivée. L’ennemi de l’homme est bien son propre désir basé sur une image falsifiée de lui-même. Ce qui le meut est ce qui le tue ou l’anéantit. L’épuisement physique en est drôlatiquement représentatif : la conquête charnelle se transforme en marathon infernal. Fellini est proche de ce thème avec son Casanova (1976) où, dans sa folie de conquêtes, le célèbre libertin ne fait plus la différence entre une femme et un automate.

Une autre nouvelle évoque cet aspect. À son image raconte l’histoire de Peter Nolan qui pousse une vieille dame sous les rails d’un métro. On le retrouve en compagnie de sa fiancée, Jessica. Ils se rendent à Coeurville, ville de l’enfance de Peter. Mais à leur arrivée, Peter ne reconnaît pas celle-ci. Dans la maison où il prétend s’installer avec sa femme, il y a quelqu’un d’autre. Peter demande à Jessica de s’éloigner quelque temps, histoire de régler une affaire. Il se rend chez un certain docteur, W. B. Cummings, Jr., capable de l’aider… Mais il a en face de lui son double. Le docteur lui explique alors qu’il a réussi à fabriquer un double à son image, un homme parfait sans ses défauts comme il l’explique lui-même. « Je me répétais tout le temps que ce que je voulais construire, c’était un homme artificiel, mais en fait, je crois que mon idée véritable, c’était de construire un autre Walter Cummings, mais sans sa timidité, sans ses manques – le contraire du docteur Jekyll et de Mr. Hyde. Un autre qui fût tout ce que je souhaitais être. Le « vrai » moi… » Un vrai « moi » ? Une identité de synthèse. Ce thème est donc dans la continuité du précédent. Par non-acceptation de son humanité réelle, les personnages chez Charles Beaumont sont dirigés par des fantasmes de complétude, soit par l’accumulation délirante d’un objet désiré, mais toujours inatteignable, soit par la fabrication d’un sosie amélioré. Le docteur y revient : « Je ne pensais qu’à une seule chose, je n’avais envie que d’une chose, une seule : fabriquer un homme artificiel absolument parfait. Pas simplement un robot, mais une reproduction parfaite d’un être humain. »

Charles Beaumont a compris qu’il s’agit là du fantastique réel, c’est-à-dire de la disjonction entre le réel et sa représentation que le philosophe Clément Rosset voit comme l’illusion fondamentale anthropologiquement parlant. Ce dernier pense le fantastique d’une façon originale puisque l’étrange ne jaillit pas d’une apparition monstrueuse quelconque, mais au contraire, du surgissement de la réalité telle qu’elle est alors que le personnage se méprenait auparavant sur celle-ci. On retrouve là le désir mimétique cher à René Girard, base d’ailleurs de ce dédoublement du réel aussi bien dans la compulsion de répétition que dans le lynchage comme dans Les Intrus (1959). La fabrication d’une fausse image de l’autre ou de soi.

Ce thème induit d’ailleurs toutes les dérives actuelles concernant l’anthropologie où il s’agit sans cesse de combler, d’améliorer, de rendre l’homme parfait au point de nier son humanité. À la fin, Peter emmène W. B. Cummings Jr. à la cave. Peu après, l’un des deux en ressort. L’auteur ne nous dit pas lequel. On apprend qu’il retrouve Jessica, se brûle les doigts pour constater qu’il est bien de chair et de sang sans rien expliquer à sa femme. En sortant, un vendeur de journaux annonce que le tueur du métro n’a pas été attrapé. Qui est donc réapparu ? Fin subtile destinée à entretenir l’indécision entre le réel et son double. À son image sera adapté par La Quatrième dimension.

La Beauté est une autre nouvelle remarquable. C’est une pierre jetée chez tous ceux qui, d’une façon ou d’une autre, tentent de changer leur apparence pour se croire parfait. Le sujet déployé dans toute son envergure s’adapte parfaitement à notre époque contemporaine d’exhibition et de narcissisme généralisés (Facebook, Instagram) selon un modèle normatif et commercial. Une jeune femme, Mary Cuberlee, dans le futur ne veut pas subir la Transformation qui la ferait passer de la jeune adolescente avec ses défauts et un côté disgracieux à une belle et jolie femme blonde, parfaite et standard. Sauf qu’elle ressemblerait à toutes les autres. « Je l’aime. C’est… c’est difficile à expliquer, mais enfin, c’est moi et il me plaît. Peut-être pas l’apparence physique, mais le moi » dit logiquement Mary. Certes Charles Beaumont creuse le thème de la singularité physique de quelqu’un contre l’uniformité, mais surtout, il met en accusation tous les fantasmes de complétude ou d’amélioration que l’on constate sans arrêt de nos jours pour la fabrication artificielle de l’humain.

https://www.dailymotion.com/video/x41why0_the-twilight-zone-s05-e17-number-12-looks-like-you_fun

La mère de Mary est épouvantée. Elle la force à consulter des docteurs ou tente de raisonner sa fille. Mary résiste : « Ce que je mérite ? Tu t’imagines que j’ai envie que les gens me montrent du doigt en disant que je suis la mère d’une mutante ? » Joli renversement où celle qui veut rester telle qu’elle est devient le « monstre ». Mary invoque son père mort qui, lui aussi, a tenté de résister : « Papa disait que la vraie beauté n’était pas simplement une question de peau. Il disait beaucoup de choses comme ça, et quand j’ai lu les livres, j’ai senti la même chose moi aussi. C’est sans doute aussi que je n’ai pas envie de ressembler à tout le monde, je pense. » C’est dire si l’auteur, derrière des nouvelles fantastiques en apparence insignifiantes, comprend des choses fondamentales et dont il devait pressentir la venue future à l’époque de la société de consommation. En fait, il décrit parfaitement ce qui est arrivé de nos jours avant même que cela n’arrive concrètement, rendu techniquement possible, tant ce fantasme est ancré dans l’imaginaire de l’homme.

Charles Beaumont est impitoyable devant ce monde aseptisé et conformiste au point que ce dernier ne se rend plus compte de la terreur blanche qu’il impose sous prétexte d’image ou de Bien. On peut déployer ce thème dans tellement de domaines de nos jours. On menace la jeune femme et une pétition a même lieu : « La pétition réclame qu’en cas de refus définitif de votre part, la force de la loi vous soit appliquée pour vous faire subir la Transformation. Et cette mesure prendrait force de loi pour l’avenir. » Terrible terreur et terrible tyrannie de l’image. Et Mary a raison de se dire : « Rien que des êtres beaux : des êtres laids cachés derrière des corps qui n’étaient pas les leurs. Marchant avec des jambes qui avaient été fabriquées pour eux, riant de voix artificielles, agitant des bras sortis de l’imagination des modélistes. » On se dit que l’auteur a saisi notre devenir dont le terme transformation n’est pas loin du transhumanisme en vogue à l’heure actuelle. Mais cette fois-ci, ce n’est pas un double mécanique, mais un double opéré sur la chair elle-même. La nouvelle sera adaptée par La Quatrième dimension sous le titre Number Twelve Looks Just Like You et réalisée par Abner Biberman. La fin est plus cruelle, puisque finalement Marie est ravie, après l’opération, de sa Transformation. Une sorte de Nabila avant l’heure.

Dans la nouvelle L’Ultime son, Charles Beaumont revient sur l’obsession, mais sonore celle-là puisque son personnage, M. Goddhew, est un nécroaudiophile. Il collecte les sons parvenant de toute la planète en allant crescendo : les dernières convulsions d’un tatou, les sifflements, les affolements d’un canari éventré, le chant hystérique d’un anaconda jeté dans un poêle à bois, au hurlement d’une femme, aux râles de mort de commerçants poignardés, aux derniers bouillonnements provoqués par de vieilles filles noyées, aux cris poussés par des eunuques en train de tomber dans des abîmes. « Quelle douleur ! Quelle souffrance ! Quelle pièce de bel canto ! » lâche-t-il ! Le cri de mort est devenu esthétique, semblable à un opéra morbide, processus implacable de l’accumulation une fois de plus. La fin se termine logiquement avec la volonté du personnage d’enregistrer la fin du monde à cause d’une bombe atomique, mais qu’il ne pourra jamais écouter…

Il n’est donc pas possible d’avoir accès aux autres nouvelles de Charles Beaumont. Néanmoins, on peut considérer quelques scénarios qu’il a écrits pour la Quatrième dimension. L’un d’entre eux est remarquable. Enfer ou Paradis (A nice place to visit), réalisé par John Brahm. Il raconte l’histoire de Rocky Valentine, un criminel minable, tué au cours d’un cambriolage. Dans l’au-delà, il rencontre son ange gardien, Pip, qui lui offre tout ce qu’il veut sans rien en échange. Valentine profite de sa vie luxueuse où tous ses désirs sont accomplis, mais au bout d’un moment, il se lasse de tout. Il comprend alors que ce paradis est en réalité l’enfer même. Cet épisode fort intéressant indique la ligne de démarcation, anthropologiquement parlant, de l’homme pris entre un système qui le contraint et celui où tous ses désirs peuvent être réalisés, l’amenant de facto à l’ennui radical de sa propre identité. Thème splendide et étude impitoyable de la volonté humaine qui, dans sa quête stupide de concrétiser ou de combler son manque fondateur, aboutit non pas à un homme heureux ou épanoui, mais à son anéantissement. Un homme sans ombre. Mort de l’utopie. L’utopie, c’est l’enfer. La société de consommation actuelle a de quoi puiser dans ce thème, notamment dans la virtualisation des désirs.

https://www.dailymotion.com/video/x4m28v1_the-twilight-zone-01×28-a-nice-place-to-visit_fun

C’est avec encore John Brahm que Charles Beaumont écrit d’autres épisodes fort significatifs comme Person or Persons Unknown, l’histoire d’un homme, David Gurney, qui se réveille, avec la gueule de bois après une soirée trop arrosée. En retard à son travail, il réveille sa femme, mais celle-ci prétend ne l’avoir jamais vu. Gurney se rend à son travail. Personne ne le connaît et il est placé dans un asile. Le docteur qui s’occupe de lui, lui permet de passer deux coups de fil, mais ni son meilleur ami, ni sa mère ne se souviennent de lui. Gurney, qui parvient à s’échapper, finit par trouver dans un centre photographique, une photo de lui et de sa femme. Mais le temps que le docteur le retrouve, la photo change et il apparaît désormais seul dessus. Finalement, Gurney se réveille de son cauchemar, heureux d’avoir retrouvé sa vie réelle, à une exception près : sa femme a maintenant l’apparence de quelqu’un d’autre…

http://www.dailymotion.com/video/x2ei049_a-democracy-and-a-911-public-awareness-film-the-new-exhibit-1963-rod-serling-and-there-will-wars-and_shortfilms

Dans cette confusion entre réel et irréalité, un autre épisode, intitulé The New Exhibit raconte l’histoire de Martin Lombard Senescu, gardien du musée de cire Ferguson. Il s’occupe des statues des cinq plus grands meurtriers de l’histoire. Un jour, son patron, Ferguson l’informe que le musée va être remplacé par un supermarché. Martin lui demande s’il peut alors garder les statues de cire dont il s’occupera chez lui. Ce dernier accepte, mais Emma, l’épouse de Martin, voit tout cela d’un mauvais œil. Elle demande conseil à son frère, Dave, qui lui recommande de couper la climatisation du garage où Martin a installé les statues. Emma s’exécute, mais est poignardée par Jack l’Éventreur. Martin enterre le corps de sa femme et reçoit la visite de Dave à qui il interdit l’accès au garage. Ce dernier parvient à s’y rendre et est assassiné par Hicks d’un coup de hache. Plus tard, Martin reçoit la visite de Ferguson qui l’informe qu’un musée de cire Bruxellois accepte d’acheter les statues. Pendant que Martin prépare du thé, Ferguson est étranglé par Landru. Découvrant son patron mort, Martin menace de détruire les statues, mais celles-ci prennent vie. Alors que les statues de cire sont installées depuis peu au musée Marchand, le guide informe les visiteurs qu’une nouvelle statue a été ajoutée aux plus grands meurtriers de l’histoire : il s’agit de Martin qui a en fait assassiné sa femme, son beau-frère et son employeur. Le thème entre l’animé et l’inanimé, le vivant et le mécanique, fonctionne à plein, source du fantastique authentique. On songe bien évidemment à Edgar Poe, voire à l’écrivain sud-américain, Julio Cortazar.

Ce thème est repris dans l’épisode intitulé, Miniature, réalisé par Walter Grauman, où il est question de Charley Parkes, comptable, un vieux garçon discret, vivant chez sa mère. Un jour, son chef le renvoie pour son manque d’enthousiasme professionnel. Désespéré, Charley va visiter un musée, et là il tombe amoureux d’une poupée placée dans une petite maison victorienne. Mais lui seul voit la poupée vivante. Son beau-frère, Buddy, tente de l’aider en lui trouvant un nouveau travail tandis que sa sœur, Myra, lui présente une de ses amies, Harriet. Mais Charley gâche son rendez-vous. Au musée, Charley aperçoit un courtisan ivre s’en prendre à la jeune fille de bois et casse la vitrine, ce qui lui vaut un séjour en hôpital psychiatrique. Là, il prend conscience qu’il a mal agi et se déclare guéri… avant de prendre la fuite à nouveau. La mère, le beau-frère, la sœur et le médecin de Charley le cherchent au musée, mais sans le trouver. À l’exception d’un garde qui aperçoit que Charley est devenu un personnage de la maison de poupée. Le garde décide de ne jamais révéler à quiconque ce qu’il a vu.

Un autre épisode intitulé Longue vie, Walter Jameson et réalisé par Tony Leader (1960) est assez surprenant. Walter Jameson, professeur d’histoire dans une université, s’entend bien avec Samuel, son collègue enseignant les sciences et père d’une jeune femme, Susanna, que Walter veut épouser. Samuel constate une ressemblance étonnante entre Walter et un ancien officier de la Guerre de Sécession qui a vécu un siècle plus tôt. Il s’interroge sur l’âge de son collègue et Walter avoue être immortel depuis l’Antiquité. À la fin, Walter meurt et se réduit en poussière pour disparaître totalement. L’histoire semble avoir été plagié par le film The Man from Earth (2007) de Richard Schenkman sur le scénario de Jerome Bixby. Ce dernier mort en 1998 écrivit dans les années 60 l’histoire d’un homme traversant les âges, mais la paternité du sujet en revient à Charles Beaumont.

Ce thème est repris dans Queen of the Nile, réalisé par John Brahm. Jordan Herrick, un journaliste de cinéma, s’entretient avec Pamela Morris, une célèbre actrice des années 40, dont il veut absolument connaître le secret de sa jeunesse. Cette dernière est attirée par le jeune homme. Pamela vit avec sa mère. Celle-ci prend à part Jordan et lui conseille de fuir Pamela, tout en lui apprenant que cette dernière n’est pas sa fille mais sa mère ! Pamela a un secret pour rester jeune éternellement, secret lié à l’Égypte pharaonique. Jordan mène l’enquête et découvre que Pamela tournait des films et jouait au théâtre dans les années 20, sous un autre nom. Ses précédents maris ont tous disparu. Pamela, se voyant découverte, tue Jordan en empoisonnant son café. Puis elle pose sur lui un scarabée égyptien vivant qui absorbe toute la vie et la jeunesse du corps de Jordan qui tombe en poussière. Dès lors, Pamela récupère la vie contenue dans le scarabée magique. Et, un nouveau journaliste sonne à la porte : il a rendez-vous avec l’actrice.

Déréliction, folie, irréalité, désir de complétude, comme on le voit, Charles Beaumont est passionné par l’incroyable désir humain qui ne cesse d’inventer des mondes imaginaires pour combler son manque existentiel face à la réalité. Cela l’incite à inventer, sous des registres divers et variés, des doubles, des sosies, des clones, des mondes de substitution pour se croire autre que ce qu’il est, remplaçant le réel par l’irréel ou le réel par son double. Une identité de synthèse. Sa force est de s’attaquer à la manière dont nous constituons notre rapport à nous-mêmes par l’image pour en débusquer les leurres, les falsifications, les artefacts et les faux-semblants. C’est justement sur ce terrain que la société de consommation a déployé son théâtre des opérations : coloniser la subjectivité et l’affectivité humaines pour la moduler à sa guise, rendant toute révolte inutile puisque tout un chacun pense que cela émane spontanément de lui-même. La servitude volontaire s’est inversée.

À lire Charles Beaumont, on se prend à penser qu’il avait saisi quelque chose d’essentiel du désir humain dans le délire infini de ce dernier de vouloir être parfait. Voilà un auteur qui aurait satisfait Jean Baudrillard qui n’a cessé de s’intéresser à la virtualisation des désirs et au meurtre de la réalité. Ce qu’il appelait l’hyperréalité et la simulation.

Dommage que Charles Beaumont soit mort si tôt, car il aurait été intéressant de le lire sur notre époque contemporaine. En effet, ironie de l’histoire, il meurt à 38 ans de la maladie d’Alzheimer liée à un syndrome de Werner qui le faisait paraître, à son décès, le double de son âge.

Yannick R (Texte déposé à la SACD, Copyright YR)

Bibliographie/Filmographie

– 1959 : La Poursuite du rêve, saison 1, épisode n°9.

– 1960 : Requiem, saison 1, épisode n° 20.

– 1960 : Longue vie, Walter Jameson, saison 1, épisode n°24.

– 1960 : Enfer ou Paradis, saison 1, épisode n°28.

– 1960 : L’Homme qui hurle, saison 2, épisode n°5.

– 1961 : Parasites, saison 2, épisode n°20.

– 1961 : Conversation avec l’au-delà, saison 2, épisode n°22.

– 1961 : Peine capitale, saison 2, épisode n° 26.

– 1961 : La Jungle, saison 3, épisode n°12.

– 1962 : Les Chaussures diaboliques, saison 3, épisode n°18.

– 1962 : Le Fugitif, saison 3, épisode n° 25.

– 1962 : Personne inconnue, saison 3, épisode n° 27.

– 1963 : À son image, saison 4, épisode n°1.

– 1963 : La Vallée de l’ombre, saison 4, épisode n° 3.

– 1963 : Miniature, saison 4, épisode n° 8.

– 1963 : Le Journal du Diable, saison 4, épisode n°9.

– 1963 : La Nouvelle Exposition, saison 4, épisode n°13.

– 1963 : Traversée à bord du Lady Anne, saison 4, épisode n°17.

– 1963 : La Poupée vivante, saison 5, épisode n°6.

– 1964 : Portrait d’une jeune fille amoureuse, saison 5, épisode n° 17.

– 1964 : La Reine du Nil, saison 5, épisode n° 23.

– 1954 : Masquerade, saison 2, épisode n°29 de la série télévisée Four Stars Playhouse.

– 1957 : The Face of Killer, saison 6, épisode n°44 de la série télévisée Schlitz Playhouse of Stars.

– 1958 : Operation B-52, saison 1, épisode no 9 de la série télévisée Steve Canyon.

– 1959: Afternoon of the Beast, saison 2, épisode no 8 de la série télévisée Goodyear Theatre.

– 1959 : Angels of Vengeance, saison 1, épisode n° 33 de la série télévisée Au nom de la loi.

– 1959 : The Healing Woman, saison 2, épisode n °2 de la série télévisée Au nom de la loi.

– 1963 : The Long Silence, épisode 25, saison 1, de la série télévisée Suspicion, d’après Jeux de mains de Hilda Lawrence.

– 1954 : Haine, Amour et Trahison de Mario Bonnard (dialogues de la version anglaise).

– 1958 : Queen of Outer Space de Edward Bernds

– 1961 : Ursula, court métrage de Lloyd Michael Williams

– 1962 : L’Enterré vivant de Roger Corman

– 1962 : Brûle, sorcière, brûle ! de Sidney Hayers

– 1962 : The Intruder de Roger Corman, avec William Shatner

– 1962 : Les Amours enchantées (The Wonderful World of the Brothers Grimm) de Henry Levin et George Pal.

– 1963 : La Malédiction d’Arkham de Roger Corman

– 1964 : Le Cirque du docteur Lao de George Pal

– 1964 : Le Masque de la mort rouge de Roger Corman

– 1965 : Mister Moses de Ronald Neame, avec Robert Mitchum

– 1990 : Sanglante paranoïa (Brain Dead) de Adam Simon

–  The Rest of Science Fiction, en collaboration avec Chad Oliver

–  Insomnia Vobiscum (1982)

My Grandmother’s Japonicas (1984)

The Wages of Cynicism (1999)

–  I, Claude, en collaboration avec Chad Oliver.

A Point of Honor ou I’ll Do Anything (1955) (Prêt à tout..., Paris, Opta, Alfred Hitchcock Magazine no 137, octobre 1972)

Miss Gentibelle (1965) (Anthologie Territoires de l’inquiétude 7, 1972)

Perchance to Dream (1958) (Mourir, rêver peut-être, dans l’anthologie Territoires de l’inquiétude, 1972)

The Face of the Killer (1956) (Le Visage d’un tueur, Paris, Opta, Suspense no 23, février 1958)

–  The Devil, You Say? (1951)

The Beautiful People (1952) (in Là-bas et ailleurs, Présence du futur)

Fritzchen (1953) (Là-bas et ailleurs, Présence du futur)

Place of Meeting (1953)

Elegy (1953) (in Là-bas et ailleurs, Présence du futur)

The Last Caper (1954)

Keeper of the Dream (1954)

Mass for Mixed Voices (1954)

Hair of the Dog (1954)

–  The Quadriopticon (1954) (Le Quadropticon in Là-bas et ailleurs, Présence du futur)

–  Black Country (1954)

–  The Jungle (1954) (in Là-bas et ailleurs, Présence du futur)

–  The Murderers (1955)

The Hunger (1955)

The Last Word (1955), en collaboration avec Chad Oliver

–  Free Dirt (1955)

–  The New Sound (1955) (Là-bas et ailleurs, Présence du futur)

The Crooked Man (1955)

The Vanishing American (1955)

Last Rites (1955)

A Point of Honor ou I’ll Do Anything (1955) (Prêt à tout…, Paris, Opta, Alfred Hitchcock Magazine no 137, octobre 1972)

A Classic Affair (1955)

Traumerei (1956) (Traumerei  in Là-bas et ailleurs, Présence du futur)

What Every Girl Should Know (1956)

The Monster Show (1956) (in Là-bas et ailleurs, Présence du futur)

The Guests of Chance (1956), en collaboration avec Chad Oliver

You Can’t Have Them All (1956)

Last Night in the Rain ou Sin Tower (1956)

The Dark Music (1956)

The Face of the Killer (1956) (Le Visage d’un tueur, Paris, Opta, Suspense n°23, février 1958)

Oh Father of Mine ou Father, Dear Father (1957)

The Love-Master (1957)

The Man Who Made Himself ou In His Image (1957) (in Là-bas et ailleurs, Présence du futur)

Night Ride (1957)

A Death in the Country ou The Deadly Will Win (1957)

The New People (1958)

Perchance to Dream (1958) (sous le titre Mourir, rêver peut-être, dans l’anthologie Territoires de l’inquiétude, 1972)

The Music of the Yellow Brass (1959)

The Trigger (1959)

Sorcerer’s Moon (1959)

The Howling Man (1959)

Gentlemen, Be Seated (1960)

Three Thirds of a Ghost ou The Baron’s Secret (1960)

Blood Brother (1961)

– Mourning Song (1963)

– Something in the Earth (1963)

– Auto Suggestion (1965)

– Miss Gentibelle (1965) (dans l’anthologie Territoires de l’inquiétude 7, 1972)

The Hunger and Other Stories ou Shadow Play (1957) (inclus : The Customers, Fair Lady, The Infernal Bouillabaisse, Miss Gentilbelle, Nursery Rhyme, Open House, Tears of the Madonna, The Train).

Yonder (1958) (inclus : Anthem, Mother’s Day, A World of Differents) (Là-bas et ailleurs, Présence du futur)

Night Ride and Other Journeys (1960) (inclus : Buck Fever, The Magic Man, The Neighbors, Song For a Lady)

– The Howling Man (1987), anthologie posthume (inclus : Appointment with Eddie, The Carnival, The Crime of Willie Washington, The Man with the Crooked Nose, To Hell with Claude)

–  A Touch of Creature (2000), anthologie posthume de nouvelles inédites (inclus : Adam’s Off Ox, Fallen Star, A Friend of the Family, The Indian Piper, The Junemoon Spoon, Lachrymosa, A Long Way from Capri, Moon in Gemini, Mr. Underhill, The Pool, Resurrection Island, The Rival, Time and Again, With the Family).

Run from the Hunter (1957), signé Keith Grantland pour l’édition originale.

The Intruder (1959) (Les intrus, Pierre Seghers, 1960).

Plaque tournante (pseudonyme Keith Portland) (Presses de la cité) (1959)

Fiction n°28 Mars 1956 (Morts en haute-fidélité (The New Sound), trad. Roger Durand..

Fiction n°33 (Claude à travers le temps)

Fiction n°034 (Claude l’invincible avec C. Oliver.

Fiction n° 041 (L’homme effacé)

Fiction n°60 (Le Quadriopticon)

Fiction n° 061 (Nettoyage par le vide)

– Fiction n° 110 (L’œil du père)

Fiction n°173 (Plus on est de fous…)

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